L’e-sport, nouvel outil controversé de « soft power » pour les pays du Golfe


Lors du Virtuocity Smash Open 2022, compétition autour du jeu « Super Smash Bros. Ultimate » organisée à Doha, au Qatar, en mars 2022.

Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar ou encore Bahreïn : tour à tour, les pays arabes du Golfe persique ont placé ces derniers mois leurs pions dans l’e-sport, investissant à la fois sur leurs territoires et à l’échelle internationale. Dernier exemple en date, l’organisateur de tournois Blast a ainsi révélé le 30 juin que la finale de ses championnats du monde de Counter-Strike se tiendrait cette année à Abou Dhabi. Deux jours plus tôt, le Bahreïn annonçait son premier championnat national ouvert à tous pour l’été, quelques mois après que son ministère de la jeunesse et des sports eut qualifié l’île de « plate-forme régionale sur le gaming ». Et en janvier, ce sont ESL et FACEIT, deux entreprises européennes spécialisées dans l’organisation de compétitions, qui étaient rachetées à hauteur de 1,5 milliard de dollars par Savvy Gaming Group, une entité soutenue par le Fonds public d’investissement de l’Arabie saoudite.

Un engagement logique, au regard des ambitions affichées par Riyad dans son plan économique et social de la décennie, baptisé « Vision 2030 » : Fayçal Ben Bandar Ben Sultan Al Saoud, membre de la famille royale, y revendique de voir l’e-sport peser pour 1 % de l’économie de son pays à l’horizon 2030, soit 21,3 milliards de dollars de revenus par an. Surfant sur une image « connectée » et proche de la population jeune du pays, le prince s’est installé à la tête de la Fédération d’Arabie saoudite pour les sports électroniques et intellectuels et de la Fédération arabe de l’e-sport. Depuis quelques mois, il est également vice-président de la Global Esports Federation, qui officie hors du Moyen-Orient et organisera à Riyad l’édition 2023 de son événement majeur, les Global Esports Games.

Autant de signaux qui s’inscrivent dans une stratégie plus profonde, nationale et régionale, de diversification économique par le jeu vidéo et d’extension par la même occasion d’un soft power moyen-oriental. Le prince héritier, Mohammed Ben Salman, soupçonné d’avoir fait tuer le journaliste Jamal Khashoggi en 2018, a également investi dans des studios de développement comme SNK, Electronic Arts et Activision Blizzard.

Les acteurs français discrètement courtisés par l’Arabie saoudite

Selon les spécialistes, cet élan tardif des Etats arabes du Golfe n’a rien d’anodin et pourrait bousculer l’état actuel de la gouvernance de l’e-sport au niveau international, majoritairement concentrée en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. « Dans cinq à dix ans, le Moyen-Orient sera l’une des régions les plus influentes dans le domaine », pronostique Jason Delestre, doctorant à l’université de Lausanne et spécialiste de la géopolitique du jeu vidéo compétitif. Concurrentes dans de nombreux domaines, les nations du Golfe poursuivent vis-à-vis de l’e-sport les mêmes objectifs et usent d’une stratégie collective centrée sur leur territoire régional.

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